Les régions sont les Berceaux de la culture

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Les régions sont les Berceaux de la culture

Írta: Zsuzsa Dárdai
Entretien avec Gottfried Honegger

Le sculpteur suisse, Gottfried Honegger (qui est née en 1917 ? Zürich), et son compagnon Sybil Albers-Barrier ont donné leurs collections internationales pour l?Etat de la France. La procédure administrative s?est terminée apr?s 14 ans, et le 26 juin 2004 ? comme supplément de l?Espace de l?Art Concret (Mouans-Sartoux, France) fondée en 1990 par les donateurs ?, la Donation Albers-Honegger s?est ouverte avec 15 nouveaux salons.

La collection contient 500 oeuvres de 164 artistes, sa valeur et son grandeur ont été élévés par la donation Aurélie Nemours, et la donation de la Fondation américaine Brownstone.

La surface de base du territoire: 1020 m?tre carré.

Architecteurs: Anette Gigon, Mike Guyer (Suisse)
Conception: Gottfried Honegger

Gottfried Honegger regarde dans le journal MADI un article de Carmelo Arden Quin, et il lit: ? La géom?trie est une chose fondamentale… ?

Gottfried Honegger: ? On pourrait commencer notre article, en disant: ? Quand Dieu a eu l?idée de créer le monde, il a été obligé de créer d?abord la géom?trie, si non, Il n?aurait pu créer le monde… ?

Espace de l’art concret


Zsuzsa Dárdai: ? La croix du drapeau suisse partage le plan en quatre carrés égaux, qui représentent quatre différentes langues (allemande, française, italienne, romanche) ou quatre minorités, quatre cultures diff?rentes. Comment cette situation a-t-elle influencé votre personnalité?

Gottfried Honegger: ? Je pense que ? je ne parle pas du passé, je parle du futur ?, l?Europe de demain ou d?apr?s-demain, ou d?apr?s; d?apr?s, d?apr?s-demain sera une Europe des régions, et non nations. Je défends les régions. Les régions sont les berceaux de la culture. Ce qui est grave actuellement, c?est que le néolibéralisme, le capitalisme, l?argent sont en train de démolir des régions! Il faut préserver les spécificités d?une région, d?une ethnie.

Qu?est-ce que l?art finalement? L?art est l?image d?une société… Ce n?est pas un artiste qui crée l?art, c?est la société qui a la terre, dans laquelle l?art pousse. Si Picasso était né au XVII° si?cle, il travaillerait comme on travaillait au XVII° si?cle. Ça veut dire que la fonction de l?art donne une identité ? un lieu. Vous ?tes Hongroise, vous allez en Chine, et vous voyez dans un restaurant un tableau hongrois… Vous dîtes, ah, c?est mon pays! C?est votre identité! Si dans ce m?me lieu il y a un tableau chinois, c?est l?intéressant, mais ce n?est plus, ce n?est pas votre identité. Alors, vous voyez, ce que nous perdons aujourd?hui ? et c?est une catastrophe mondiale ?, c?est l?identité!

Pour vous, pour votre pays, c?est presque une chance, aussi longtemps d?avoir été á l?écart de tout ça! Je vous donne un exemple: quand ils ont démoli le mur de Berlin, dans le couloir il y avait des animaux qui ont disparu partout, il y avait des plantes ont disparu ailleurs, et l?, ils étaient l?. Et c?est un peu comme vous. Vous avez souffert, vous avez eu des probl?mes, vous ?tes pauvres, mais vous avez gardé vos identités. En France on l?a déj? perdu. On pense que si nous mangeons du camembert, nous sommes français. Pour moi ce que vous demandez ici, c?est essentiel. Ma langue maternelle n?était pas allemande, c?était le romanche, grisonne m?me si je suis né dans la région suisse-allemande. Si je vois une voiture ici avec la plaque grisanne, je pense, ah, c?est moi! C?est une identité, vous voyez!? Et nous avons besoin de cette identité, parce que notre cerveau, ne peut pas penser global. C?était une erreur de Mondrian, de Van Doesburg et des autres de chercher l?anonyme international. C?était une idée moralement trés bonne, mais inhumaine: nous ne pouvons pas ?tre international… ce n?est pas possible.

La premi?re chose qui est apparue dans le temps, c?est l?art, parce que l?art a toujours été une signe d?identité. Je reviens ? la maison. Je suis suisse, ce qui représente déj? deux identités: grisonne et allemande.

Espace de l?Art ConcretJ?ai vécu pendant longtemps en Amérique, en Angleterre et depuis quarante ans en France, alors j?ai perdu mon identité. Je ne peux plus dire que je suis suisse, si je le suis mais par exemple je ne connais pas le ministre, je ne connait rien, mais la France ce n?est pas mon pays. J?avais eu une identité ? Paris o? j?ai habité pendant quarante ans., c?était mon identité, mais depuis que j?ai quitté Paris pour vivre sur la Cote d?Azur, je suis un peux perdu, vous voyez? A notre époque il faudrait dire, que je suis international, universel, n?est-ce pas? Mais je ne peux pas le dire, parce que je n?ai aucune idée de ce qui se passe au Mexique, je n?ai aucune idée de ce qui se passe au Congo… oui, je lis les nouvelles dans le journal, mais c?est tout.

Je pense que l?un des postulats du futur de l?art concret ou de l?art constructiviste est de préserver l?identité de la région. Ça ne veut pas dire devenir sentimental, ou folklorique, c?est une identité des racines, c?est la terre dans laquelle je peux pousser, la nourriture, le langage. L?identité commence avec le langage. En effets quatre différentes cultures suisses posent probléme et cela m?a influencé sans doute. Il y a un an, j?ai fait une exposition á Paris á la Fondation Cartier. Je l?ai appelé ? Ma métamorphose ?, parce que dans mes oeuvres, apr?s quarante ans, je deviens de plus en plus français. Pour l?expliquer simplement, j?ai été en tant que grison, italien, un sensuel, quelqu?un qui touchait… mais les français ne sont pas sensuels… Ils sont intellectuels, et progressivement je ne touchais plus les choses, je les laissais. C?est une métamorphose…

Zsuzsa Dárdai: ? Alors vous vous ?tes trompé en quittant la Suisse?

Gottfried Honegger: ? Oui. Mais je n?ai pas voulu… C?est l?air qui me forçait ? changer. Je r?ve en français maintenant…, mais quand je retourne en Suisse et je reste l?-bas pendant deux semaines, je recommence ? r?ver en allemand.

Zsuzsa Dárdai: ? Vous avez fait vos études ? l?époque o? l?Europe était ravagée par les nazis et le fascisme. Comment ces événements historiques ont-ils formé le jeune Gottfried Honegger qui avait 20 ans ? l?époque?

Gottfried Honegger: ? C?est aussi une question intéressante… qu?est ce que c?était l?espoir pendant le fascisme..? Comme pour tous les jeunes, c?était le communisme. On avait Marx, on avait l? espoir que le pouvoir pouvait revenir au peuple, on avait l?espoir que la liberté n?était pas gratuite, mais liée au contexte social lui-m?me, n?est ce pas..? Alors, j?étais dans un dilemme, je n?étais pas communiste, mais j?étais marxiste, et je le suis toujours finalement. Je ne pouvais pas aller dans un parti communiste, parce qu?ils ont demandé ? la peinture de faire du réalisme socialiste, et je ne pouvais pas l?accepter. Vous voyez, c?était une situation assez difficile ? l?époque, ? Léger, Picasso, Max Ernst… étaient au Parti Communiste, c?était leur erreur, mais moi, je ne pouvais pas y entrer…

Zsuzsa Dárdai: ? Alors, qu?est ce que vous avez fait ? l?époque?

Gottfried Honegger: ? Je suis entré au Parti Social Démocrate Suisse parce que, quand m?me, j?étais contre la droite.

Zsuzsa Dárdai: ? Vous avez lutté?

Gottfried Honegger: ? Oui, j?étais membre du Comité Central et j?ai fait beaucoup de discours… j?ai toujours lutté contre le fascisme… je le fais encore aujourd?hui avec l?art. L?art n?est pas seulement une déclaration, mais un libérateur. A cause de cela Hitler et Staline brulaîent les tableaux, éloignaient les artistes; ils savaient que l?art était un libérateur, et un moyen pour rendre l?homme indépendant. Malheureusement pour la démocratie aujourd?hui l?art existe pour le grand public, pour faire de d?lies. Les Hongrois viendront ? Paris pour regarder le Louvre pendant un quart d?heure et ensuite un autre musée etc. etc.

Alors, c?était ma situation ? l?époque, j?étais dans une mauvaise posture. J?étais contre le fascisme, mais je ne pouvais pas accepter l? exigence culturelle du communisme, d?autant plus difficile que l?idée de réalisme socialiste est de Maxim Gorkíj. Je ne pouvais pas accepter que l?art devienne de la publicité pour un syst?me. Mon ?uvre ? l?époque était un compromis, entre l?abstrait, et le réaliste…

C?est plutot émouvant de regarder mes ?uvres de l?époque.

Zsuzsa Dárdai: ? Comment les arts ont réussi ? se libérer de cette pression politique et sociale en Suisse?

Gottfried Honegger: ? Pendant 1935-40 la Suisse était encerclée par les Allemands et les Italien. Il n?y avait pas de contact avec l?extérieur. Ça c?est un point. Le deuxi?me point est que la Suisse a été pendant plus de deux cents ans neutre, et une société qui est neutre est condamné ? la stérilité. Si je vous demande d??tre neutre dans dix ans, vous n?aurez plus d?idées. La Suisse était neutre et le résultatest que la majorité des artistes sont conformistes, ? un peu de beauté ?. Ceux qui n?ont pas accepté cette neutralité se sont exilés. Le Courbusier, Giacometti, Lohse sont partis, comme moi. Je ne pouvais pas vivre dans une société qui n?a pas d?oppinion. Je préf?re une fausse oppinion ? rien de rien. Alors, il y avait quelques artistes (comme par exemples Max Bill, ou Léger) qui sont restées et ont résisté. Face ? l?intolérance de la société ils ont réagi avec leurs ?uvres qui ont pris une forme intolérante. Ils ont dit 2×2=4. C?est tout. C?était intéressant, était beau, mais pour moi inacceptable. Pour moi, 2×2=5 ou 3 etc. La Suisse a souffert pendant le fascisme, elle a souffert dans sa mentalité et elle souffre aujourd?hui ? propos de l?argent des banques…

Gottfried HONEGGER (CH)


Zsuzsa Dárdai: ? Comment avez vous décidé de devenir artiste?

Gottfried Honegger: ? Moi, j?étais fils d?ouvrier, et je ne savais rien de la culture. Ma m?re venait d?une famille agricole, mon p?re était maçon. La culture chez nous n?existait pas. Je voudrais devenir coureur cycliste ou mécanicien pour gagner de l?argent, mais ma m?re, paysanne, a trouvé que ce n?était pas un métier convenable, parce que chez les paysannes il y a une certaine culture. Un jour elle m?a dit, non, non, pas de bicyclette. Alors j?ai dit: peut ?tre réparateur de voitures? Elle a dit non aussi. Alors j?ai eu une idée: devenir étalagiste, décorateur. Ça c?est beau, noble. Comme ça que je suis devenu décorateur dans une coop-nourriture j?ai fait les vitrines, etc. J?ai vécu ? Paris pendant ce temps- l?. Quand la guerre est arrivée, j?ai été obligé de rentrer en Suisse, et j?ai fait cinque ans de service militaire.

Zsuzsa Dárdai: ? En Suisse neutre, qu?est ce qu?il fallait défendre pour un soldat?

Gottfried Honegger: ? Défendre la Suisse contre l?Allemagne et l?Italie. C?était ridicule…

Pendant la guerre je me suis mariée avec une graphiste de publicité. Elle m?a appris ce métier, et je suis devenu graphiste. J?ai fait des affiches etc. etc. J?ai gagné ma vie avec ça. Et je n?ai jamais osé me considérer comme artiste, pourtant j?ai toujours fait de la peinture. Je trouvais, qu?un artiste est un saint, est sacré. Je n?ai jamais écrit dans mon passeport ? artiste ?. Je suis parti ? New York comme graphiste. A New York j?ai rencontré des artistes, par hasard. C?est une histoire assez curieuse, j?ai eu des contacts avec trois-quatre artistes comme Sam Francis, Mark Rothko, Barnett Newmann et d?autres. Sam Francis a acheté mon premier tableau. C?était lui qui m?a dit: ? Marque sur ton passeport que tu es artiste ?, et je l?ai marqué.

Pendant que j?étais un demi marxiste et opposant farouche du fascisme, l?art était une arme pour lutter contre les syst?mes actuels, et il l?est toujours pour moi. Je suis farouchement opposé ? ce qui pénalise l?avenir de la culture et de l?art. C?est du business, de l?argent, du snobisme, de la spéculation, et les musées pour moi sont les cimeti?res de l?art. Ici ? Mouans-Sartoux c?est la seule exposition qui montre les oeuvres comme ça. Ce n?est pas moi qui l?ai faite, c?est Lemoine… Toutes les expositions que j?ai faites ici, étaient didactiques: pour apprendre quelque chose…

Je suis resté un politicien, mais un politicien avec une idée de l?art et pas avec des théories. Des idées politiques sont des théories…

Zsuzsa Dárdai: ? Qui ont été vos maîtres en l?art?

Gottfried Honegger: ? C?est plus difficile… je n?ai jamais vraiment eu un maître. Je vous donne un exemple… Quand j?ai fait les portraits figuratifs, des paysages, j?étais trés ami avec Max Bill, avec Lohse… mais l? héritage de ma famille ne m?a pas permis d?aller assez loin. Je suis quelqu?un qui arrive tr?s tard. Je n?ai jamais

voulu copier quelque chose, j?avais toujours une oppinion. Alors, c?est difficile d?avoir des maîtres. J?ai été influencé par Van Gogh, ensuite par Picasso, puis par Albers, Vantongerloo, Miro. Je m?approchais plus en plus ce médium. Je ne peux pas dire que l?un ou l?autre. C?était leur idée qui m?a plu, l?idée de l?art concret, qui n?est pas un art détaché de la vie quotidienne. Les artistes de l?art concret ils ont fait des meubles, ils ont fait des tissus, ils ont fait de l?architecture, ils étaient inspirés par l?univers humain. Et ça m?intéressait. L??uvre d?art comme quelque chose d?utile; c?est pour ça que j?ai changé peu ? peu et que peintre puis sculpteur. Je m?intéresse aux ?uvres en extérieur, l? o? les gens les voient tous les jours, qui ne sont pas dans un musée.

Zsuzsa Dárdai: ? De nos jours qu?est ce que ça veut dire: art concret? C?est un mouvement qui vit encore depuis 1930? C?est un champ notion que renferme toutes les tendances géométriques?

Gottfried Honegger: ? En principe, l?artiste de l?art concret fait d?abord un programme il exécute et réalise ensuite. Il ne prend pas une toile et commence ? peindre… Il y a d?abord un programme. Nous ne pouvons pas trouver des solutions dans notre vie quotidienne sans une pensée préalable. II faut d?abord réfléchir et ensuite agir. L?art concret est un mod?le pour ça. Aujourd?hui la pensée est oubliée. On s?amuse aujourd?hui.

Nous avons fait un nouveau manifeste pour l?art concret, signé par 15 artistes contrairement au manifeste de 1930, et aux idées de Max Bill, de Lohse, ou d? Albers. J?ai ouvert les langues de l?art concret. Vous serez étonné, si je vous dit, que Pollock est pour moi un artiste de l?art concret? Il est un artiste de l?art concret, parce-que, pour moi, l?art concret nest pas géometrique. Je ne voudrais pas faire une illustration de ce que je vois de l?extérieur, un portrait, un paysage, la sortie de ma réflexion de la spiritualité. Non! Dans ce sens Pollock est purement concret. Nous vivons aujord?hui dans une société qui doit accepter la différence de l?autre, et je ne peux pas construire une Europe tolérante et humaine avec les syst?mes d?Albers, ce n?est pas possible. Il faut ouvrir largement la porte. C?est le spectateur qui va choisir, ce n?est pas seulement l?artiste.

L?art concret est essentiel, parce qu?il donne la liberté au spectateur. Il y a une action. Si je vous dis que c?est une sculpture (lunettes de soleil), et si je vous demande qu?est ce que ça répresente, vous allez dire, que ce sont des lunettes. Dans la mesure oú l??uvre d?art s?approche de la nature, les spectateurs deviennent moins libres dans l?interprétation. Je veux libérer le spectateur, comme Marcel Duchamp a dit: ? Le spectateur donne un sens d??uvre, sa propre idée. ? C?est pour ça que j?ouvre la porte. Que vous trouvez ça beau ou non, ce n?est pas mon probl?me.

Zsuzsa Dárdai: ? Est-ce que vous connaissez le mouvement MADI?

Gottfried Honegger: ? Je connais mal MADI…

Espace de l’art concret


Zsuzsa Dárdai: ? Quelle est votre opinion sur les mouvements en général?

Gottfried Honegger: ? J?aime bien le mouvement et je regrette qu? aujourd?hui, les artistes soient dispersés chacun dans leur coin, c?est dommage. Si le mouvement laisse la liberté, je suis pour le mouvement, s?il devient réligion, je suis contre lui.

Zsuzsa Dárdai: ? A votre avis il y a une évolution dans l?art? L?art géométrique est-il mort ou va-t-il se poursuivre au XXI°s?

Gottfried Honegger: ? Rien ne peut exister sans la géometrie. La nature elle m?me est géométrique, l?univers est géometrique, nous ne pouvons pas sortir de la géométrie par contre l?approche de la géométrie change…

Et il n?y a pas d?évolution dans l?art. Il y a une évolution dans la science. Grâce ? Galileo Gallilée on sait que la terre est ronde… l? il y a une évolution. Dans l?art non. Chaque génération a son art identique pour tous. Les questions sur l?art ont évolué. Mais ce n?est pas une évolution, ce n?est pas devenu mieux, c?est autre, c?est différent. C?est la différence entre la science et l?art. L?art ne perd pas sa vérité. Dans l?art il y a une témoignage de la culture.

Zsuzsa Dárdai: ? Selon vous l?art a une fonction sociale. Qu?est-ce que ça signifie? Et quelles sont les autres fonctions de l?art?

Gottfried Honegger: ? Naturellement l?art a une fonction sociale. C?est trés simple. En effet notre cerveau ne peut pas penser autrement que sous la forme d?une image. A peut prés 80 % de toutes les informations qui viennent á l?esprit passent par l?oeil. Le reste passe par l?oreille, le nez, le toucher.

L?image que vous mémorisez dans votre cerveau conditionne votre vie. Et c?est politique. J? écris un article sur Cézanne, dans lequel j?explique que l?art est toujours politique. Il n?est ni ? gauche ni ? droite, mais il est politique dans le sens o? détermine la qualité de notre cerveau… mais, ce n?est pas la politique qui nous m?ne, c?est l?image! Alors, notre cerveau est conditionné pour absorber les images. Un aveugle de naissance, n? a pas d?image… il a les r?ves, mais ce n?est pas une image de notre réalité. Si les images sont des mensonges vous mémorisez des mensonges. Le vandalisme qui existe aujord?hui en banlieue dans les grandes villes, comme ? Rotterdam maintenant, vient du fait que les cerveaux sont conditionnés par la télévision, par l?ordinateur, par les menaces de la publicité.

Alors la fonction sociale de l?art est fondamentale. Malheureusement les fascistes ont éliminé cette vérité, et les démocraties ne font rien avec ça. Ça veut dire qu?ils ont rien compris.

L?autre coté de la fonction de l?art ? ? la part de fonction sociale qui est l?identité ? est de satisfaire le besoin esthétique de l?homme. Certains tableaux sont de la beauté pure. La troisi?me chose est que l??uvre vous donne un certain prestige. Si vous voyez chez moi un tableau de Riner par exemple vous direz que c?est prestigieux, valorisant pour moi.

L?art couvre tous les besoins de l?homme. Le pape actuel a publié une lettre aux artistes, en disant, que c?est la beauté qui va sauver le monde.

Zsuzsa Dárdai: ? Apr?s que vous ayez créé l?Espace de l?Art Concret, vous avez lancé un projet ? une résidence ? pour les artistes. C?est superbe. Il y a vraiment tr?s peu de grands artistes qui s?intéressent aux nouvelles générations… Comment avez-vous eu cette idée?

Gottfried Honegger: ? J?ai pensé, que ici, sur la Cote-d?Azur, les gens sont un peu enfermés dans leur univers comme les Suisses en Suisse. Je trouvais que ce serait intéressant d?avoir quelqu?un d?extérieur ? la région qui tienne un autre discours. J?ai eu envie de faire cette résidence en France pour sortir, pour regarder. Ici, vous pouvez visiter les musées, vous pouvez participer á l?activité du château. Il a deux roles: un pour nous, égoiste, profiter d?un autre regard, et un role social, qui participe au développement artistique du pays.

Zsuzsa Dárdai: ? Vous ?tes en contact avec des personnalités connues, vous ?tes vous-m?me un artiste réputé, vous avez plusieurs expériences de la vie artistique… ? votre avis: quel est le role d?un galerie, d?un musée, d?un collectionneur? Quelles sont les relations entre eux?

Gottfried Honegger: ? Chaque lieu a un autre role. Le role d?un galeriste est double: assurer la renomée d?un artiste et découvrir les jeunes talents.

Le role du musée aujourd?hui est mal connu. Le musée aujourd?hui, un lieu pour le prestige d?un conservateur. Pour moi le role du musée soit ?tre éducatif. Il doit informer les visiteurs sur la fonction de l?art. Nous avons fait ici les explosions comme: ? voir et s?asseoir ?, ? le regard libéré ?, ? art et v?tement ?, ? la peur du vide ?, ? miroir cassé ?, ? écoutez voir ? etc. etc. Malheureusement aujourd?hui on met les ?uvres en face du spectateur, et ils ne savent rien sur elles, les ouvriers qui payent les musées alors qu?ils n?y vont pas. On doit changer les musées! Le devoir du collectionneur c?est la création. Faire une collection ça veut dire construire une image, un identité. La deuxi?me fonction est de préserver les ?uvres et d?en faire donation ? la société, parce que l??uvre d?art appartient au patrimoine; Le collectionneur doit ?tre un médiateur entre l?artiste et la société. C?est ce que j?essaie de faire ? l?Espace de l?Art Concret. Les relations entre ces trois c?est la guerre.

Les relations entre collectionneurs et conservateurs sont souvent difficiles, pour des questions d?argent or de choix des ?uvres.

Zsuzsa Dárdai: ? Vous ?tes sculpteur, peintre, théoricien de l?art: comment trouvez vous un équilibre entre toutes ces activités?

Gottfried Honegger: ? Ah…, oui…oui…oui…oui… c?est difficile, ce plus que difficile; c?est un probl?me pour moi; Mondrian a fait dans sa vie á-peu-pr?s 180 tableaux. Moi j?en ai fait peut-?tre 2000 et 500 sculptures. J?écris également. J?ai fait beaucoup de livres sur l?esthétique, ou pour les enfants. Je fais en plus des guides pour L?Espace de l?Art Concret deux á trois fois par mois. J?essaie d??tre un artiste, mais aussi un citoyen. En tant que citoyen, j?ai une responsabilit? sociale, vis-?-vis de la société tout comme, un chauffeur de taxi… Le citoyen c?est l?Espace de l?Art Concret. Je regrette que les artistes en France n?y participent pas. L?argent et la gloire, c?est tout ce qui les int?resse, c?est pour cela que je suis assez seul en France. En Allemagne c?est un peu mieux, en Suisse aussi. Les artistes suisses sont tous plus au moins concuriés par l?art. En Suisse, il y a un musée dans toutes les villes, et tous les musées sont privés… ça veut-dire qu?il y a un intér?t artistique profond. Je pense ? Zurich, o? il y a plus de collectionneurs comme ici. Je pense que l?éducation culturelle est meilleure en Suisse qu?en France. Mes activités se sont divisées: je vais réduire maintenant l?activité de citoyen pour donner un peu plus de place ? l?artiste. Si je vis encore, c?est un miracle ? je peux mourir demain matin, ce sera tout ? fait naturel ?, alors je voudrais utiliser le temps qu?il me reste pour réaliser encore mes projets. Je ne sais pas pourquoi, j?ai la chance, que mon cerveau marche toujours…

(Mouans-Sartoux, 2000, l?été. Correction: Julie Maccario – MADI art periodical No6)